Entre­tien avec Kévin Bon­di­guel, co-fon­da­teur de Veggiepharm.

Pro­pos recueillis par Sophie CHOQUET, rédac­trice en chef de Virage, la revue de l’Asso­cia­tion Végé­ta­rienne de France

Com­ment est né Veggiepharm ?
C’est en 2017 que Luc Lami­rault, expert de l’industrie et moi-même, phar­ma­cien, avons créé Veg­gie­pharm. En lisant plu­sieurs études et articles de presse, nous
nous sommes ren­du compte que la plu­part des médi­ca­ments et com­plé­ments ali­men­taires contiennent des sources ani­males et qu’il est qua­si­ment impos­sible de le savoir, dans l’état actuel de la régle­men­ta­tion. Face à ce constat, nous avons déci­dé de créer une marque à l’identité forte et lisible qui per­met aux patients de savoir ce qu’ils consomment.
Veg­gie­pharm est une petite entre­prise de moins de dix sala­riés, située dans le sud de la région pari­sienne, qui com­mer­cia­lise des médi­ca­ments clas­siques pour le trai­te­ment de la dou­leur, de la fièvre et de l’allergie. Des com­plé­ments ali­men­taires viennent com­plé­ter la gamme VJ-Pharm, pour la gros­sesse, la méno­pause et le quo­ti­dien des véganes (VJ-Pharm gros­sesse, VJ-Pharm méno­pause et VJ-Pharm Provegane).

À l’heure actuelle, y a‑t-il beau­coup de médi­ca­ments et de com­plé­ments ali­men­taires fabri­qués avec des pro­duits ani­maux ? Et tes­tés sur les animaux ?
Une étude parue dans le Bri­tish Medi­cal Journal1 indi­quait que sur les 100 médi­ca­ments les plus ven­dus, plus de 70 pou­vaient conte­nir au moins un ingré­dient d’origine ani­male, uti­li­sé comme sub­stance active ou comme exci­pient. Par­mi eux, la géla­tine, le lac­tose et le stéa­rate de magné­sium sont les plus cou­rants. L’industrie phar­ma­ceu­tique y a recours mas­si­ve­ment car ils sont peu coû­teux, lar­ge­ment dis­po­nibles et faciles à utiliser.
Par ailleurs, l’industrie phar­ma­ceu­tique conti­nue d’utiliser mas­si­ve­ment des ani­maux vivants dans les phases de déve­lop­pe­ment des médi­ca­ments (phases pré­cli­niques). Mal­gré l’introduction, à la fin des années cin­quante, du prin­cipe des 3 R, qui vise à rem­pla­cer l’utilisation d’animaux, la réduire et l’améliorer (refine en anglais), envi­ron 11,5 mil­lions d’animaux de labo­ra­toire sont uti­li­sés chaque année dans l’Union européenne2, et envi­ron 192 mil­lions au niveau mondial.

Avez-vous l’impression que l’industrie phar­ma­ceu­tique s’intéresse aujourd’hui davan­tage à l’éthique ani­male ou à la clien­tèle végane qu’il y a quelques années ? Veg­gie­pharm est pré­cur­seur dans ce domaine ; est-ce que d’autres entre­prises vous emboîtent le pas, en France ou en Europe ?
L’industrie phar­ma­ceu­tique s’efforce de limi­ter le recours aux ani­maux vivants et d’intégrer des chartes d’éthique pour le trai­te­ment des ani­maux mais elle se contente bien sou­vent de se confor­mer à la loi sans aller plus loin. L’utilisation ani­male dans la com­po­si­tion des pro­duits est une ques­tion tota­le­ment absente des
consi­dé­ra­tions de l’industrie phar­ma­ceu­tique. Il est même éton­nant aujourd’hui, alors que cette ques­tion est cen­trale pour tout ce qui touche à notre ali­men­ta­tion, qu’elle le soit si peu pour ce qui nous soigne. D’autant que bien sou­vent des alter­na­tives existent. Par exemple, on peut rem­pla­cer le lac­tose et la géla­tine ani­male par les car­ré­ghanes issus des algues ou l’hypromellose issue de la cel­lu­lose de végé­taux comme le pin, ou bien par l’amidon de maïs.

Quelles sont les dif­fé­rentes étapes que vous avez sui­vies pour pou­voir pro­duire et mettre vos pro­duits véganes sur le mar­ché ? Et les prin­ci­pales dif­fi­cul­tés aux­quelles vous avez pu être confrontés ?
La com­mer­cia­li­sa­tion de médi­ca­ments suit un pro­ces­sus long et rigou­reux. Il nous a d’abord fal­lu sélec­tion­ner des médi­ca­ments fabri­qués selon notre cahier des charges, puis dépo­ser un dos­sier de demande auprès de l’ANSM (L’Agence natio­nale de sécu­ri­té du médi­ca­ment et des pro­duits de san­té). Le pro­ces­sus d’obtention de cette auto­ri­sa­tion est long et coû­teux. Nous avons éga­le­ment dépo­sé un dos­sier de label­li­sa­tion par Eve Vegan, qui néces­site la visite de cha­cun des sites de pro­duc­tion et le contrôle des pro­cé­dures. Nous sommes la pre­mière entre­prise phar­ma­ceu­tique à enta­mer cette démarche, cela nous per­met éga­le­ment d’affirmer notre différence.
Une fois le sésame obte­nu il nous a fal­lu tra­vailler sur les élé­ments de packa­ging et trou­ver un centre logis­tique (près d’Orléans) qui puisse dis­tri­buer nos pro­duits vers toutes les phar­ma­cies via les gros­sistes répartiteurs.
Pour nos com­plé­ments ali­men­taires nous avons sol­li­ci­té le concours d’un centre de réfé­rence de nutri­tion fran­çais spé­cia­li­sé dans le sui­vi des régimes sans viande pour opti­mi­ser nos for­mules selon leurs remarques. Il nous a éga­le­ment fal­lu trou­ver un fabri­cant capable d’utiliser des cap­sules végétales.

Pou­vez-vous décrire les spé­ci­fi­ci­tés de vos produits ?
Nos médi­ca­ments ont les mêmes pro­prié­tés et indi­ca­tions que les médi­ca­ments qui contiennent les mêmes sub­stances actives et dans les mêmes quan­ti­tés. La seule dif­fé­rence, c’est que nous garan­tis­sons l’absence de sub­stances ani­males et de tests sur les animaux.
Nos com­plé­ments ali­men­taires apportent des nutri­ments com­plets et adap­tés aux états phy­sio­lo­giques spé­ci­fiques de la gros­sesse, de la méno­pause ou du quo­ti­dien du végé­ta­lien au cours des­quels les besoins nutri­tion­nels sont dif­fé­rents des besoins cou­rants. Ils ont été spé­ci­fi­que­ment pen­sés et adaptés
pour les régimes végé­ta­riens et végé­ta­liens avec des apports spé­ci­fiques comme de la DHA végé­tale (tra­di­tion­nel­le­ment issue de pois­son), de la vita­mine B12, du
cal­cium et de la vita­mine D3. Les prix que nous pro­po­sons sont simi­laires à ceux qu’on peut obser­ver pour des médi­ca­ments et com­plé­ments ali­men­taires équi­va­lents. Les prix dans les phar­ma­cies sont cepen­dant libres et peuvent varier d’une phar­ma­cie à l’autre.
Nous com­men­çons à nous faire connaître et de plus en plus de phar­ma­cies réfé­rencent nos médi­ca­ments et com­plé­ments ali­men­taires. La gamme VJ-Pharm est éga­le­ment dis­po­nible dans les phar­ma­cies qui vendent direc­te­ment en ligne, avec des pos­si­bi­li­tés de livrai­son par­tout en France.

Pro­je­tez-vous de déve­lop­per d’autres produits ?
La com­mer­cia­li­sa­tion active de nos pro­duits n’a com­men­cé qu’en 2021 et nous espé­rons, pour com­men­cer, nous faire connaître auprès du public et des phar­ma­ciens avec notre gamme actuelle. Nous avons déjà iden­ti­fié de nou­veaux médi­ca­ments et com­plé­ments ali­men­taires que nous pou­vons déve­lop­per ; ils vien­dront élar­gir notre gamme dans un ave­nir proche.

Un mes­sage à faire pas­ser, ou une anec­dote inté­res­sante, pour terminer ?
Que vous soyez végé­ta­rien, végé­ta­lien, flexi­ta­rien ou tout sim­ple­ment sou­cieux de la condi­tion ani­male nos com­plé­ments ali­men­taires VJ-Pharm sont faits pour vous ! VJ-Pharm gros­sesse et méno­pause répondent aux besoins de ces deux étapes de la vie des femmes au cours des­quelles les besoins nutri­tion­nels sont aug­men­tés. S’ils ont été pen­sés spé­ci­fi­que­ment pour celles qui limitent leur consom­ma­tion de viande et de lai­tage, ils ne repré­sentent aucun dan­ger pour les autres et apportent au contraire tout ce qu’il faut pour être au top !

POUR ALLER PLUS LOIN
1. Tatham K. et Patel K., « Why can’t all drugs be
vege­ta­rian? », The BMJ, https://bit.ly/BMJ-3CjfZ2J.
2. Törn­q­vist E., Annas A. et alii, « Stra­te­gic focus on
3R prin­ciples reveals major reduc­tions in the use of
ani­mals in phar­ma­ceu­ti­cal toxi­ci­ty tes­ting », PLoS
One, 2014, DOI: 10.1371/journal.pone.0101638.

Un article rédi­gé par la rédac­tion de Virage, la revue de l’Asso­cia­tion Végé­ta­rienne de France.